Un matin alors que j’étais assis sur un banc sur la place Mohamed V à Casablanca et que je commençais à feuilleter un hebdomadaire, deux européens sont venus s’installer sur un banc tout près de moi. Un petit instant après l’un d'eux sort de son petit sac à dos un vrai sebsi (pipe) et un "médoui" (tabatière). Il remplit tranquillement sa pipe et l’allume sereinement. L'odeur du kif n'avait pas tardé à envahir tout son entourage. Voyant mon air surpris l’homme me sourit et me dit.
- Chez-nous, fumer du cannabis n’est pas interdit!
C’est kif-kif chez-nous aussi, lui ai-je répondu. Ça ouvre l’esprit et adoucit les mœurs ! Je crois même savoir que depuis que l'Etat du Colorado (Ouest des Etats-Unis) a légalisé sa consommation, le taux des agressions et des disputes a chuté considérablement. La population de cet Etat par référendum a voté pour sa libre consommation à des fins récréatives.
L’homme à la pipe hoche la tête et me dit : C’est bien ! Chez-nous aussi, ce n'est pas interdit d'en fumer et je le préfère aux cigarettes bourrées de tabac et d'additifs chimiques dont on ignore l'origine.
Rentrant chez-moi, je relis la chronique que j’ai écrite à ce sujet au mois de juin 2011 et que je trouve toujours d’actualité même si entre-temps Kadhafi a été tué et que Moubarak et Saleh ont quitté le pouvoir en Egypte et au Yémen,
Je vous invite à relire le billet que j’avais écrit il y a plus de 6 ans et qui avait comme titre
Ce n’est pas kif-kif !
Cette semaine, j’oublie la Libye, le Yémen, la Syrie. Je me contenterais de dire que certains présidents arabes sont comme cette mauvaise herbe que nous appelons chez-nous « Affar » (chiendent). Se débarrasser d’elle n’est pas du tout une chose facile.
Le sujet dont j’ai envie de parler cette semaine concerne la légalisation de la consommation du kif qui revient à l’ordre du jour dans certains pays européens.
Les Pays bas l’ont légalisé depuis longtemps, l’Espagne est sur le point de le faire et on France l’éventualité de sa légalisation n’est plus taboue.
Si sa légalisation se fait, va-t-on attendre que d’autres pays en produisent pour satisfaire la demande des consommateurs de ces pays, alors que le Maroc malgré toutes les contraintes mises en place pour réduire sa culture fournit presque 70% du produit consommé en Europe ?
Certains ont leur or jaune, d’autres leur or noir, pourquoi ne pas exploiter notre or vert ?
L’Etat devrait plus s’occuper de la fuite des capitaux générés par sa production de cette herbe qu’elle n’arrive pas à éradiquer et dont ne profitent que les trafiquants de tous bords et non pas les pauvres paysans du Rif ni la trésorerie du pays.
Faut-il rappeler que selon une étude citée par Europa Press, le Maroc ne bénéficie que de 10% de l'argent généré par la commercialisation de cette drogue douce. 90% reviennent aux trafiquants des pays étrangers.
Dans mon jeune âge, j’ai connu de nombreuses personnes qui fumaient du kif. Ces personnes n’ont jamais fait de mal à personne. Je dirais même que fumer quelques « sebsi » adoucit leurs humeurs et rend leurs moeurs plus cool !
Nous n’avons jamais vu quelqu’un qui a fumé un joint s’attaquer à une autre personne contrairement aux effets des autres drogues. Raison pour laquelle cette herbe est qualifiée de drogue douce.
Regardez ce qui se passe en Europe et le nombre de tués dans les accidents de la circulation suite à la consommation de vin et au taux élevé de l’alcool dans leur sang. Et pourtant, la production de ces produits qui rendent ivres et causent autant de décès n’est pas interdite.
Je parie que le jour où on fera pousser des champs de kif en Europe, sa culture, sa production et sa consommation ne seront plus interdites. Mieux que ça, les européens s’arrangeront à nous en refiler en nous le vendant au prix fort après l’avoir bien emballé et trouver des arguments marketing pour sa commercialisation.
Lutter contre les drogues, c’est bien, mais il ne faut pas mettre toutes les drogues dans la même pipe ! Fumer le kif n’a jamais fait prendre une bombe à son auteur !
Un bon sebsi (pipe) coupé dans le laurier-rose et ciselé au gout de son propriétaire n’a rien à voir avec une kalachnikov dont se servent avec facilité certains dont les esprits sont bourrés d’une autre sorte de drogue. Ce n’est pas du tout « Kif-kif ».
Je suis presque sûr que si on organisait un référendum sur la légalisation de la culture et de la consommation du kif au Maroc le Oui le remporterait largement. Car sa libéralisation serait un levier de développement pour toute la région du Rif. Et pour rappel, c’est le sultan Moulay Hassan 1er (1873-1894) qui pour des raisons purement sociales, aurait autorisé cinq douars, de la région de Ketama à cultiver du kif.
D’ailleurs je ne comprends pas pourquoi l’Etat n’autorise-t-elle pas la culture et la commercialisation du tabac, maintenant qu’il a cédé la Régie des Tabacs à une société privée ?
Il fut un temps, ou la région d’Amagha a Assamer produisait un tabac qui rivalisait le tabac cubain et le tabac produit dans la région de Chtouka pas loin d’Azemour et qui d’ailleurs portait le nom de « chtoukia » . Fumer pour fumer, je dirais que c’est dommage que les fumeurs aient abandonné la pipe car même si esthétiquement elle ne rivalise pas avec la cigarette, elle a l’avantage de limiter la consommation de tabac. Un grand fumeur de pipe, ne dépasse pas une dizaine de pipes par jour, ce qui en quantité de tabac, correspond à peine à ce que contiennent deux cigarettes.
Sans avoir tiré une seule bouffée de cette herbe du Rif, je réitère mon voeu de voir le Gouvernement décider que le nouvel an amazigh ( Idd Sougass) soit férié et chômé comme le sont le jour du nouvel et le 1er Moharem. Ne sont-ils pas en fin de compte kif-kif ?
Ainsi va Ghriss
Goulmima le 07/06/2011
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