Je réinsère la communication que j’ai faite il y'a 3 ans à l’occasion de la commémoration de la bataille d'Amaglagal; d'abord par devoir de mémoire en permettant aux jeunes d'avoir quelques informations concernant la résistance des Ghrissois à l'occupation française et puis pour essayer d'apporter une réponse au pourquoi du titre de cette chronique.
AMAGLAGAL ENTRE LA RÉALITÉ ET MYTHE
Si nous oublions notre histoire, notre identité, notre culture, et notre langue, nous nous oublions nous mêmes et il serait donc injuste de reprocher aux autres de nous avoir oubliés. (Ali Ouidani)
- Signification du mot Amaglagal
- Faits historiques en rapport avec la bataille d’Amaglagal
- Conséquences de l’après Amaglagal
Amaglagal, signifie en Tamazighte, une dépression topographique, une sorte de cuvette naturelle qui collecte les eaux de pluie et qui est un pâturage prisé par les troupeaux des nomades de Ghriss. C’est le nom que porte l’endroit situé à 20 km de Goulmima, sur la route d’Errachidia où les Imsayfène (nomades) avaient causé la déroute des soldats français qui voulaient en finir avec les hommes de la tribu des Ait Hammou qui les harcelaient à Tarda.
Quelques dates et rappels historiques
- Au mois d’avril 1908 l’armée française sous le commandement du Général De Vigny occupe Boudnib
- Le 07 octobre 1916, l’armée française établit un poste à Ksar-es-Souk (l’actuelle Errachidia)
- En 1924 l’armée française s’installe à Tarda à 36 km de Goulmima. Pour la circonstance un izli est dit lors d’un Ahidouss devant Ighrem :
Ikhater ouzger ijenwiyen our lline *** A Tarda kmm agenn ila bkhou
- Le 30 août 1929 eut lieu la bataille d’Amglagal. La colonne de l’armée française qui a été décimée à Amglagal ne se dirigeait pas pour prendre Goulmima. Elle poursuivait les insurgés de la tribu des Ait Hammou de Talsinte (Ait Chaghrouchen) qui s’étaient réfugiés entre Ksar-es-Souk (Errachidia) et Goulmima après l’occupation de Talsinte et préparait la prise de Tadighouste pour prendre en tenailles Goulmima avec la colonne du Capitaine Bournazel qui arrivait de l’est du coté de Tilouine. Cette colonne qui ne s’attendait pas à être attaquée en ces endroits dégagés fut surprise par un Groupe d’Imssayfen, qui était informé du mouvement de la patrouille française et qui avait la chance de toucher avec les premières balles qu’il avait tirées, les officiers qui commandaient cette colonne. Ce qui avait entraîné sa désorganisation et par voie de conséquence sa défaite.
Sur les 130 soldats de l’armée française qui composaient la colonne de cette patrouille, 124 furent tués et seuls 6 soldats arrivèrent à regagner Tarda sous la poursuite des Imssayfène.
Mr Yves Hubert qui faisait partie de ces légionnaires survivants s’était installé à Goulmima quelques années après et occupait un poste dans l’administration coloniale.
Quelques jours après cette bataille, André Maginot deux fois ministre français de la guerre entre 1922 et 1930 s’était rendu à Ksar-es-Souk pour mettre au pont avec les officiers français une stratégie permettant de vaincre la résistance du triangle Ghriss/Baddou/Saghro, (Triangle GBS). Et c’est après cette visite qu’en signe de représailles, l’aviation de l’armée française est entrée en action et avait commençé à bombardé Goulmima et Tadighouste.
- Goulmima Ksar en premier, puis Lhart à Tadighouste. (Aourir et Mmou, furent épargnés)².
- Le mercredi 18 novembre 1931 soit deux années et trois mois après Amaglagal, l’armée française s’installe à Aghenbou.
Des canons furent pointés sur Goulmima Ksar, Hart, Ait Ihya ou3tmane et Waqa.
- Le mercredi 18 novembre 1931, soit deux années et trois mois après Amgalagal, l’armée française s’installe à Aghenbou sur les hauteurs qui dominent toute la palmeraie de Ghriss.
Des canons furent pointés sur Goulmima Ksar, Hart, Ait Ihya ou3tmane et Waqa.
A Goulmima, les habitants se cachaient le jour dans les grottes d’Asdrem et « Daw Inourir » et ne sortaient que le soir car l’aviation ne pouvait pas intervenir après la tombée de la nuit.
Hammou ou Lhoussaine (père de Badou Bouyahmidène) dont la mission était d’avertir les habitants en donnant l’alerte dès qu’il entendait le bruit des moteurs des avions, fut surpris et tué par un bombardier alors qu’ils était sur le toit du minaret et demandait aux gens de se mettre à l’abri.
Deux événements avaient marqué cette période ou l’armée française s’était installée sur les hauteurs d’Assedrem :
- Le premier événement fut la mort d’un légionnaire qui voulait viser le dôme du mausolée de Sidi M’hamd Ou3mar de Hart et qui fut déchiqueté par le retour d’obus de son canon. (ce qui fit croire encore plus aux habitants de la Baraka du Saint !)
- Le second fut l’acte de bravoure d’un Fkih d’Ait Ihya ou3tmane qui un jour porta ses plus beaux habits et se dirigea vers les légionnaires avec une serpette (lmzbarte) sous son bernouss. Les français croyant qu‘il s’agissait d’un notable qui voulait négocier le laissèrent s’approcher. Une fois arrivé au centre de la troupe, il sortit sa serpette et commença à attaquer les soldats. La sentinelle qui n’était pas loin tira sur le malheureux Fkih et le tua.
- Le 19 novembre 1931, Tadighoust tombe aux mains du colonel Denis. Au Sud Bournazel, occupe Touroug en pleine tempête de sable.
Le 20 novembre, la palmeraie du Rhéris se défend encore, mais devant l’arrivée des automitrailleuses, les Aït Moghrad demandèrent l’Amane.
Le 22 novembre, la palmeraie de Tilouine fait sa soumission.
En janvier 1932, l’armée française s’installa à « Inourir » (aires à battre) d’Ighrem de Goulmima sous le regard de Lucien Saint Résident général au Maroc et du général Giraud commandant des armées, qui d’Aghenbou avaient suivi cette opération.
L’exode
Voyant que la prise de toute la palmeraie de Ghriss était inéluctable et toute proche, plusieurs familles quittent Goulmima pour des localités non colonisées. Certaines familles se rendent à Aghbalou N’Kerdouss ou à Assoul, mais les plus nombreuses se rendent à Alnif pour combattre auprès de leurs frères d’armes de la tribu des Ait Atta sous le commandement d’Oubaslam dans le Saghro.
Le Groupe des familles ghrissoises qui ont rejoint Saghro
Parmi ces familles, je citerais celles de Zaid ou Da3li (son fils Ali ou Zaid fut né à Saghro), de Moha ou Berri (feu Hammou Berri qui était enfant fut touché par un éclat d'obus et eut la lèvre supérieure fendue), des Ait Khettouch, de Moha Ouidani et son épouse Bicha Ali Bourass, de Sekkou ou Berri, des frères Moha et Bassou Barki, de Hmad Hda Badri, de Sidi Moh ou3oumar (Khettabi), de Mani Moha ou Addi, de Aicha Zaid n’Ait Barki, de Sou ou Baassou, de Sekkou Amalik, et bien d’autres.
Moha ou Berri et Moha ou Addi N’Taalawoute (Boutdarine), furent tués au lieu dit (Tinififte) ainsi que l’épouse de Lahcen ou Idir de Marroutcha qui fut tuée par un obus alors qu’elle était en train de puiser de l’eau d’une petite source pour préparer un couscous aux moujahidine
Le Groupe des familles Ghrissoises qui ont rejoint Badou
Parmi ces familles, Laghzil Ali ou Hsain dont l’épouse décéda sur le chemin de retour, Nhir ou Lahroune (Ousmouh), Zaid ou Haddou Laghzil, Bouhou Moha ou Hammou, Lmekki ou Lemkadem, Takrite et son fils Moha ou Bassou El Ouafi,
Ces combattants d’Amglagal de Saghro et de Badou sont-ils des Moujahidines ou sont-ils des insoumis ?
Je dirais qu’ils sont les deux à la fois !
- Ils sont des moujahidines parce qu’ils combattaient pour défendre leur pays, leur liberté et leur religion.
- Ils sont aussi des insoumis car ils avaient refusé d’accepter l’accord de protectorat signé par le Sultan, estimant que la colonisation lui a été imposée par la France. D'ou l’ambiguïté qui dure à ce jour, certains qualifient cette campagne de colonisation et d'autres de pacification.
Est-ce pour cette dernière raison que les autorités et ceux qui gravitent autour d'elle continuent d'être absents à chacune de ses commémorations ?
La question mérite d’être posée !
Ainsi va Ghriss
Goulmima le 30/06/2014
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